La mer monte !

Il y a, rien que dans ce titre, de quoi cartographier l'évolution du monde en cours. Mais j'ai choisi de vous parler aujourd'hui d'une carte imaginaire ayant longtemps décoré les murs de ma chambre d'ado, encore furieusement d'actualité aujourd'hui.

Pendant qu’on se faisait dorer la pilule sous le non-soleil de cet été, le GIEC n’a pas chômé et nous a produit un rapport toujours plus alarmiste sur l’évolution du climat et notre avenir sombre de petits humains sur le dos de cette planète. Le constat est amer, ok ça n’est plus une grande nouvelle.
Si je suis convaincu de l’utilité de ce travail, j’ai du mal à me nourrir de contenus trop anxiogènes : je préfère me tourner vers des histoires plus positives, qui vont me permettre de réfléchir sans pour autant nier l’ampleur du problème. Effet plus durable garanti, à mon sens.
 
Quel lien entre le GIEC et la carte dont je veux vous parler ?
J’ai retrouvé récemment ce livre dans ma bibliothèque : Les Îles d’Auvergne, un carnet de voyage imaginaire.
La 4e de couverture nous dit :
Le Monde est transfiguré.La montée des eaux est inexorable, et se stabilise aux alentours de mille mètres.
La planète Terre est devenue la planète Mer.
Les Îles d’Auvergne. Auteur : Imago Sekoya.
L’ouvrage est publié par les éditions Doublevébé récup en… 1993 !
 

Réel ou fiction ?

Même si dans cette histoire l’activité humaine n’est pas la cause de la montée des eaux,  il s’agit bien de parler de changement climatique, de la transformation de notre environnement et de l’adaptation de l’humanité à ce nouveau monde.
Ce récit très précurseur à l’époque était accompagné d’une carte imaginaire, qui nous immerge (sans mauvais jeu de mots) directement dans ce nouveau monde.
Cette carte est là pour donner une existence réelle au monde esquissé par la fiction. Réel qui est poussé assez loin dans tout le livre : tout est fait pour faire croire au lecteur que le récit qu’il est en train de lire vient d’archives retrouvées dans l’épave d’un vaisseau spatial. Sur la carte, ce sont des aspects concrets qui nous font penser au réel : éléments d’échelle, codes graphiques sobres et en cohérence avec les usages contemporains, éléments géographiques précis et justes, numéro de carte la situant dans un atlas…
 
Ce genre de carte, plus ou moins précise, accompagne souvent des récits de fiction, notamment dans la littérature fantastique. Je vous invite à faire une petite recherche sur la carte de la Terre du Milieu (Seigneur des Anneaux) ou la carte de Westeros (Game of Thrones)… les résultats sont nombreux et variés.

Montrer le monde tel qu'il est

La carte inscrit des mondes imaginaires dans la réalité. Mais… n’est-ce pas la fonction de tout travail de cartographie ? Les cartographes ont toujours cherché à montrer le monde « tel qu’il est », et les cartes établissent une référence qu’il est difficile de contredire. Un exemple ci-dessous, un planisphère nautique réalisé en 1573 apr Domingo Teixeira, cartographe Portugais.

Objectif de cette carte ? Montrer le monde « tel qu’il est » à l’époque, c’est à dire dominé par le Portugal. (cliquez ici pour la notice de la BNF à propos de cette carte)

La notion d’objectivité et d’exhaustivité est au centre du travail de cartographie : comment représenter le réel au mieux ? Est-ce même possible ?

Au cours de mes recherches pour cet article j’ai trouvé cette citation très juste d’un philosophe et professeur d’esthétique :

« C’est dans l’irréductible écart entre les cartes et le monde que s’exerce l’imaginaire
de ceux qui les fabriquent, comme de ceux qui les consultent. »
Gilles A. Tiberghien

Il serait donc impossible pour les cartes de représenter le réel de manière totalement objective ? Il y aura toujours une part de subjectivité dans ce que l’on veut montrer, des choix à faire du plus petit au plus grand niveau de détail.
C’est ici que va apparaître le pouvoir magique de ces cartes imaginaires qui accompagnent ces récits de la littérature fantastique : en matérialisant des lieux que nous imaginons, qu’ils existent ou non, elles acquièrent la même force que la représentation du monde réel.

Grenoble sous-marine, future destination à la mode

Pour revenir au sujet initial, je vous ai préparé une carte fictive sur le même thème que la carte des Îles d’Auvergne : la montée des eaux a eu lieu, et s’est stabilisée autour de 1000 m. La ville de Grenoble est sous les eaux, les montagnes environnantes se sont adaptées. Problème réel, carte imaginaire ? On en reparle dans combien de dizaines d’années ?!

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