Le cap de Bonne-Espérance, entre Histoire et Économie

Le cap de Bonne-Espérance, épisode 2 ! Je vous parlais la semaine dernière des conditions de navigation particulières de cet endroit, mais il y a bien d'autres choses à raconter.

Le commerce, moteur de l'exploration

L’Histoire, celle avec un grand H, va nous permettre de faire un lien avec notre époque. C’est en 1488 que le navigateur portugais Bartolomeu Dias atteint le bout de l’Afrique qu’il nomme cap des tempêtes, rebaptisé ensuite par le roi du Portugal cap de Bonne-Espérance.Pourquoi ? Cette nouvelle étape dans l’exploration du monde matérialise l’espoir d’une route maritime vers les Indes. Nous sommes au XVe siècle et le commerce est déjà une des motivations principales des dirigeants, qui cherchent une route des épices alternative au voyage terrestre par la Turquie et l’Asie centrale.
Le trajet espéré vers l’Inde et l’Indonésie est ouvert en 1498 par Vasco de Gama, et c’est une révolution du commerce qui amène à une première mondialisation. La route par le cap de Bonne-Espérance sera stratégique du XVIe au XIXe siècle.

La révolution de Suez

En 1869, le canal de Suez ouvre et change la donne en raccourcissant de plusieurs milliers de km le voyage entre l’Europe et l’Asie. Du coup… abandonnée la route du cap entre l’Asie et l’Europe ? Pas si sûr…

Petit jump vers la seconde moitié du XXe siècle. Essor économique mondial, l’Asie devient l’usine de la planète, et… le commerce maritime explose.
La révolution ne vient plus des routes mais du moyen de transport. Le porte-conteneur est inventé et les volumes transportés augmentent très vite, avec la taille des bateaux devenus gigantesques.

Aujourd’hui, le transport maritime représente 90% du trafic de marchandises ! Entre 1970 et 2001, les flux ont été multipliés par 5 ! Le pétrole est également acheminé par la mer : 70 % des besoins de l’Europe, 50% de ceux des États-Unis. Sans parler des matières première en vrac.
C’est ce modèle qui permet à nos belles marchandises de faire le tour du monde et de rester moins chères que des biens locaux, malgré le prix du transport. Mais c’est un autre sujet.

Bonne-Espérance… oui oui j’y reviens.

La route du cap de Bonne-Espérance, équation complexe

Même si le canal de Suez est LA route prioritaire (cf. l’écart de volumes transportés entre les deux routes), passer par le sud de l’Afrique reste une option tout à fait envisageable et utilisée par les transporteurs : le coût du transport est une équation subtile entre le coût du pétrole, le coût du péage du canal de Suez, le temps passé en mer, et… le coût du stockage !

La problématique est la suivante : en période de pétrole à bas coût, le coût du péage de Suez peut être compensé par le passage par le cap de Bonne-Espérance, malgré la consommation supplémentaire de carburant, et le temps de trajet plus long. Autre avantage : si on passe plus de temps en mer, on ne paye pas le stockage des marchandises dans les ports… surtout en 2020 avec l’effondrement de la demande dûe à la pandémie, et le confinement qui a généré des embouteillages de conteneurs dans les ports, faute de main d’oeuvre pour les évacuer.

Je vous mets sur ma carte quelques chiffres pour illustrer cette tendance. Je me suis basé sur un article qui prend l’exemple d’une route entre Rotterdam et Singapour. Les données de volumes transportés sont plus larges que cet exemple et ne concernent que les conteneurs. Les autres marchandises par contre, ont plus tendance à passer par Bonne-Espérance : Les pétroliers sont par exemple trop grands pour passer par le canal de Suez.

À quand des transports martitimes plus verts ?

Il y a une conséquence à ces choix de route : une consommation supplémentaire de fuel, et donc pollution… encore et toujours. Ou comment constater que notre mode de vie mondialisé et basé sur le commerce des marchandises impacte la pollution globale et le réchauffement climatique.
Le transport maritime représente aujourd’hui 3% des émissions de CO2, ce chiffre pouvant grimper à 17% en 2050 s’il n’y a pas de changement dans les tendances d’augmentation des volumes transportés.
Les conteneurs tombés à l’eau continueront de polluer les océans, et de constituer un danger pour les voiliers.

Et pour terminer, petite précision… le cap de Bonne-Espérance n’est pas le point le plus au sud de l’Afrique, c’est le cap des Aiguilles ! Mais ça vous étiez au courant n’est-ce pas ?

L’article référence est ici.

Laisser un commentaire